Opéra de chambre
(maquette - résidences-laboratoires Arcal / Grand Atelier de Royaumont)
Musique d'Antonin Servière
Texte de Pierre Kuentz
Mise en scène Jean De Pange
Direction musicale Guillaume Bourgogne
& l'Ensemble Cairn
Présentation
Le Concile de Lampedusa ou Galla Placidia, c’est l’histoire d’une impératrice romaine de l’antiquité tardive. L’histoire, aussi, du contexte de l’empire romain déclinant, et du nouveau modèle social et géopolitique qui donnera plus tard naissance à l’Europe médiévale. Femme politique, chrétienne dévote, Galla Placidia est toutefois ici tout autant figure historique qu’émanation contemporaine. Elle est le personnage principal d’un opéra en devenir, accompagnée de sa fille Honoria (deuxième chanteuse) et d’un troisième protagoniste, la «Pupille grammairienne» (joué par la comédienne), figure ambiguë à la fois statue, oracle immémorial et gardienne d’un ordre établi appelé à disparaître.
La référence trinitaire coïncide avec le déroulement de l’œuvre. Ici, pas d’intrigue véritable mais plutôt 3 tableaux, 3 points de vue sur une même situation : les 3 femmes se réunissent sur l’île de Lampedusa pour tenir un grand concile, une rencontre crépusculaire au sommet qui doit décider de l’avenir du monde. Car l’heure est grave : les royaumes barbares se forment, Rome ne contrôle plus ses territoires et la nouvelle religion doit supplanter le paganisme antique. Ce nouvel ordre est décrété par Galla Placidia au cours d’un monologue à la fois théâtral et lyrique.
Pendant toute la pièce, une ambiguïté demeure quant à la temporalité de l’action. Sommes-nous au Ve siècle, ou bien dans le temps présent, sous l’antiquité tardive ou aujourd’hui ? Les deux à la fois, et le texte foisonnant de références historiques, philosophiques et métaphoriques y concourt volontiers. La musique soutient cette ambiguïté tout en unifiant les parties entre elles, cependant que la mise en scène révèle peu à peu la psychologie des personnages.
Antonin Servière, compositeur
Distribution
Livret Pierre Kuentz
Direction musicale Guillaume Bourgogne
Mise en scène Jean de Pange
Scénographie Mathias Baudry
Collaboration artistique Jérôme Ragon
Chef de chant Alphonse Cemin
avec
Sylvia Vadimova, Galla Placidia, mezzo-soprano
Pauline Sikirdji, Honoria, fille de Galla Placidia, mezzo-soprano
Constance Larrieu, la pupille grammairienne, comédienne
Ensemble Cairn (5 instrumentistes)
Sabine Tavenard, flûte
Pascal Bonnet, saxophone
Askar Ishangaliyv, violoncelle
Caroline Cren, piano
Sylvain Lemêtre, percussions
Disponibilité
- le 3 décembre 2012 à 18h et 20h30 à l’Arcal, 87 rue des Pyrénées, Paris
- le 4 décembre 2012 à 18h à l’abbaye de Royaumont
Intention
Galla Placidia, miniature historique pour un opéra de chambre
Galla Placidia sonne comme un nom de fiction, un titre de roman. Une destinée imaginaire. Galla a cependant existé. Elle a vécu de 390 à 450 (de notre ère). Elle fut régente — ou comme on le dit aussi un peu abusivement — Impératrice de Rome. Elle exerce les plus hautes fonctions politiques dans la Pars occidentalis de l’Empire. C’est un moment où le principe dynastique se met peu à peu en place dans le monde gréco-romain. Les femmes deviennent ventres de souveraineté. Par elles, le pouvoir est transmis aux descendances. Elles jouent un rôle politique de premier ordre. En Orient, ce sont Eudoxie et Pulcherie. En Gaule, c’est Geneviève qui détient les clés du baptistère de la Cathédrale de Paris ; presqu’évêque par intérim, elle lance des appels au calme quand la ville se sent menacée par les hordes de Huns. En occident, Galla, fille de Théodose 1er et mère de Valentinien III est souveraine. Cette séquence historique est affaire de femmes. Galla Placidia est au centre de notre miniature historique, à laquelle elle a donné son nom.
Attila, le fouet de Dieu comme l’appelait Augustin, exerce une pression miliaire redoutable sur les deux parties de l’Empire. Il rançonne la partie orientale, met en déroute la partie occidentale. À la différence de celui de l’impératrice Galla Placidia, nous n’avons pas oublié le nom d’Attila. Il est passé dans notre mémoire collective. Attila est le nom de la menace. Une vraie fiction. Son nom plane sur notre miniature historique. Il hante l’opéra de chambre. Il n’apparaîtra jamais.
Face à la menace, un autre nom retentit, comme une incantation de la dernière chance, un appel au secours. Rempart dans l’empire troué : le nom d’Aetius, généralissime de l’armée romaine. Flavius Aetius est le stratège, le génie militaire et diplomatique. L’histoire l’a surnommé le dernier des Romains. Bien que vainqueur d’Attila, son nom est, comme les dieux qu’il honore, appelé à s’effacer. César crépusculaire. Ultime rayon de la puissance militaire de Rome. C’est un appel lointain, une trace déformée dans la mémoire collective. Un signe. Comme Attila, il n’apparaîtra jamais.
Que représente le nom de Rome dans le monde de Galla Placidia ? Que peut-il ? Effroi ? Prestige ? Protection ? Rome abrite un évêque qu’on appelle Pape. Rome n’abrite plus l’empereur chrétien qui réside désormais à Ravenne. Rome a été mise à sac une première fois en 410 par Alaric, le wisigoth. (Notons que Galla faisait partie du butin. Emportée, épousée, elle devient quelque temps reine des Wisigoths). Cette mise à sac de la Ville - empire, très limitée dans sa réalité matérielle et au fond sans gravité, fut un séisme mental pour le monde. Un trou dans la conscience. Symptôme géant d’une crise majeure. Rome est le nom de la Crise mondiale. Bascule. Effondrement. Tendances nord-sud et est-ouest inversées
Le monde change. Le système de la mode entre en vigueur. On abandonne les habits, les habitudes, les dieux des pères pour des nouvelles croyances. On devient Chrétien. Dans ce désordre de la filiation et de la piété, les premiers dandys inventent des formes spéciales de salut. Ils sont gnostiques. Les philosophes qui sont aussi grammairiens, magiciens, pédagogues, traducteurs d’oracle, tentent de conserver l’antique savoir rhétorique, logique, et oraculaire. Dompteurs de logos. Ils résistent, inventent des cultes miniatures, cryptés en attendant l’oubli définitif des dieux de leurs pères. Ils écrivent des chroniques et des poèmes nostalgiques.
Que deviennent les dieux des antiques pères ? Où la Nymphe et le Genius, nichent-t-ils ? Forces survivantes repliées dans les recoins du monde, où sont-elles ?
Les anciens dieux ont trouvé refuge sur une île au milieu de la méditerranée entre Lybie, Asie Europe. L’île de Lampedusa. Elle est habitée par la Pupille Grammairienne, une enfant philosophe. Personnage anonyme. Mémoire. Oiseau fillette qui devient marbre le soir. Phare statue qui assure la circulation maritime.
L’Impératrice Galla Placidia a décidé de se rendre sur l’île de Lampedusa pour une visite politique à la Pupille Grammairienne. Galla est accompagnée de sa fille, Honoria. Cette dernière aurait fait une proposition d’alliance à Attila (à moins que ce ne soit une manœuvre d’Aetius, une tractation secrète avec l’ennemi, ou un piège malveillant tramé depuis la cour de Ravenne, ou encore une manipulation de l’Impératrice - mère Galla – ce dernier point est peu probable). Ce projet matrimonial insensé complique tout.
Le motif de la visite. Faire le point sur la situation d’Urgence. La Crise mondiale. Un concert des nations pour effectif réduit. Seul l’Empire d’Occident est représenté. Un G1 en 3 personnes. À moins que ce ne soit un G3 pour 1 seule substance : l’Occident. Il est question de l’avenir de l’Empire et de notre salut. Un concile miniature avec trois femmes. Les hommes sont occupés à la guerre et la rédaction du code pénal (le futur Droit Canon). Sur l’île de Lampedusa on prépare la suite.