Riders to the sea

Opéra de chambre
Musique de Ralph Vaughan Williams (Londres, 1937)
sur une pièce en un acte de J.M. Synge
précédée de Songs of travel, mélodies pour baryton et orchestre

direction musicale Jean-Luc Tingaud
mise en scène Christian Gangneron

Présentation

Riders to the sea / Cavaliers de la mer 

Créé à Londres au Royal College of Music le 30 novembre 1937, Riders to the sea est l’une des premières pièces de Synge. Il a longtemps voyagé avant de se mettre à l’écriture. Son ami Yeats, le grand poète irlandais, l’engage, sentant quelque chose venir, à aller sur les Iles d’Aran. Là-bas, Synge est fasciné par la vie des pêcheurs, par leur langue, leur relation aux éléments, leur façon d’être dans la tragédie et leur rapport à la vie, d’une intensité extrême. C’est sur ces îles que Synge situe l’action de Riders to the sea.

 Songs of travel / Cycle de mélodies pour baryton et orchestre 

Créé à Londres au Bechstein Hall le 2 décembre 1904

Riders to the sea est une pièce courte et Ralph Vaughan Williams n’a pas voulu la rallonger : il a d’ailleurs inscrit sur la partition non pas opéra mais pièce mise en musique. C’est une pièce en un acte d’une durée de trois quarts d’heure environ : ce n’est pas un «format» pour une soirée… En cherchant avec Jean-Luc Tingaud, le directeur musical, et sur sa proposition, nous nous sommes arrêtés sur Songs of travel, un cycle de mélodies de Vaughan Williams, antérieur à l’opéra, mais qui est sur le thème du voyage comme métaphore de la vie. Cette œuvre semblait intéressante en première partie, avec un texte projeté et une mise en espace : une façon d’entrer dans l’imaginaire musical de Vaughan Williams et de nous amener à recevoir le choc qu’est Riders to the sea.

Argument

L’action se situe sur une île au large de la côte ouest de l’Irlande. Les deux filles de la vieille Maurya, Cathleen et Nora, se demandent si les vêtements retrouvés sur un corps repêché dans le nord sont ceux de leur frère Michael, disparu en mer. Soucieuse de ne pas inquiéter leur mère, Cathleen cache les vêtements. Maurya sort de sa chambre et tente de persuader son fils Bartley de ne pas prendre la mer. En dépit du vent qui se lève, il partira. Maurya le supplie de rester, sûre que Michael a péri et convaincue qu’il va disparaître lui aussi. Maurya tente de le rattraper pour lui donner sa bénédiction. Pendant son absence, Cathleen et Nora examinent à nouveau les vêtements trouvés sur le noyé : ils appartiennent bien à leur frère… Maurya revient, effrayée, elle a vu le fantôme de Michael, chevauchant le poney gris attaché derrière la jument rouge de Bartley. Bartley est le dernier homme de la famille : la mer lui a déjà pris son mari et ses quatre garçons, elle entame une mélopée funèbre lorsque des pleurs semblent monter de la grève… des pêcheurs montent vers la maison, sur une planche, le corps de Bartley… Maurya se met à prier, presque soulagée : la mer lui a pris tout ce qu’elle avait, elle ne s’inquiètera plus du vent ni de la marée et va enfin trouver le repos.

Distribution

Une création de l’Arcal, cie nationale de théâtre lyrique et musical


direction musicale : Jean-Luc Tingaud
mise en scène : Christian Gangneron
décor : Thierry Leproust
costumes : Claude Masson
lumières : Marc Delamézière

Maurya : Jacqueline Mayeur, mezzo-soprano
Bartley, son fils : Patrice Verdelet, baryton
Cathleen, sa fille : Rayanne Dupuis (2005-06) ou Elsa Levy (2008-09), soprano
Nora, sa fille cadette : Céline Boucard (2005-06) ou  Sevan Manoukian (2008-09), soprano

Choeur de l'Opéra de Rennes (dir. Gildas Pungier)
(choeur de 12 femmes)
ou en alternance
Chœur Thibaut de Champagne, dir. Hélène Le Roy

Soutenu par l’ORCCA/Centre d’Art Polyphonique de Champagne-Ardenne

Orchestre du Grand Théâtre de Reims
(24 musiciens)

***
en première partie

Songs of Travel de Vaughan Williams
Cycle de mélodies pour baryton et orchestre sur des poème de R.L. Stevenson

Patrice Verdelet, baryton

Disponibilité

Historique
Spectacle créé à l'opéra de Reims en janvier 2006
2005-2006 : 6 représentations
Reims - 51 14/01/2006 20h30 Opéra
Reims - 51 15/01/2006 14h30 Opéra
Nanterre - 92 03/02/2006 20h30 Maison de la Musique
Nanterre - 92 04/02/2006 20h30 Maison de la Musique
Beynes - 78 04/03/2006 20h30 La Barbacane
Massy - 91 24/03/2006 20h00 Opéra
2008-2009 :  15 représentations
Reims - 51 18/10/2008 20h30 Opéra
Lille - 59 15/11/2008 20h00 Opéra
Rennes - 35 20/11/2008 20h00 Opéra
Rennes - 35 22/11/2008 18h00 Opéra
Rennes - 35 23/11/2008 16h00 Opéra
Rennes - 35 24/11/2008 20h00 Opéra
Rennes - 35 25/11/2008 14h30 Opéra
La Valette - Malte 18/03/2009 19h30 Teatru Manoel
La Valette - Malte 19/03/2009 19h30 Teatru Manoel
Troyes - 10 27/03/2009 20h30 Théâtre de La Madeleine
Dunkerque - 62 03/04/2009 20h30 Le Bateau Feu Scène Nationale
Paris - 75 08/04/2009 20h00 Théâtre de L'Athénée
Paris - 75 09/04/2009 20h00 Théâtre de L'Athénée
Paris - 75 10/04/2009 20h00 Théâtre de L'Athénée
Paris - 75 11/04/2009 20h00 Théâtre de L'Athénée

Production
Arcal
Grand Théâtre de Reims
Coproduction
Grand Théâtre de Reims
Théâtre de Sartrouville-CDN
Soutien
ARCADI
Fondation France Telecom

Intention

Note d'intention"La voix endeuillée"


Synge, dans la préface à une édition de ses poèmes, écrivait : « La poésie de l’exaltation sera la plus haute, toujours, mais quand les hommes perdent tout sentiment poétique pour la vie de tous les jours et ne savent plus écrire des poèmes sur les choses de la vie de tous les jours, leur poésie toute exaltée qu’elle soit pourra perdre sa puissance d’exaltation ».

On retrouve dans son théâtre, porté à un point extrême, cette opération de transfiguration du vécu quotidien. Dans les Cavaliers de la mer, la dramaturgie travaille à relier la réalité littérale des Îles d’Aran à une réalité archétypale, témoin la manière qu’a Synge de faire jouer les accessoires : le pain, la tourbe, les vêtements (un lambeau de chemise et une chaussette), de la corde, des planches de bois blanc… des objets liés aux tâches quotidiennes qui contribuent à créer la texture dramatique – pivots de l’action, ils prennent des fonctions multiples. C’est de leur valeur d’usage quotidien, de leur matérialité même qu’ils tirent leur force de signes. Ces objets qui scandent la vie et la mort, inscrivent la présence du tragique dans le quotidien.

Dans Riders to the sea, la tragédie n’est pas liée à la faute, à la démesure d’un protagoniste : aucun défi, aucune transgression que la mort viendrait sanctionner. L’île est entourée par l’implacable, quotidiennement. La mer « orchestre » la lutte de l’homme pour vivre dans un monde sans signification où la douleur n’a pas de rôle rédempteur.

Au cœur de la pièce, Synge ménage la « péripétie », l’évènement qui renverse, déplace les points de vue : la vision de Maurya. Elle aura vu son fils Michaël vêtu de neuf, chevauchant un poney gris, derrière la jument de son frère Bartley –

Michaël, nous le savons mort, avec toute la certitude du fait constaté : les vêtements retrouvés sur le corps d’un noyé.

Au cœur du réalisme installé minutieusement par Synge, l’apparition fantomatique que la vision de Maurya impose, diffuse le sentiment du tragique. Tout conduit à cette vision et tout en découle. Maurya n’a plus qu’à se lancer dans son « keening », ce chant de deuil, amplifié par le chœur des femmes. Comme l’écrit Nicole Loraux dans un essai sur la tragédie grecque, « la purgation aura lieu, à nouveau, par l’évocation du deuil, contre la prescription de l’oubli par la cité, elle bouleversera le spectateur, elle l’incitera à dépasser son appartenance à la communauté civique pour saisir son appartenance plus essentielle encore, à la race des mortels. Car tel est bien, à jamais, le dernier mot de ce que chante la voix endeuillée de la tragédie ».

La fascination de Vaughan Williams pour Riders to the sea l’a conduit, en un geste qui l’apparente au Debussy de Pelléas et Mélisande, à se passer d’un livret qui eût reformaté le chef-d’œuvre de Synge. N’étaient quelques minces coupures, il n’a rien changé au texte considérant sa partition non pas comme un opéra, mais comme une mise en musique de la pièce. Il s’agit de se tenir au plus près de cette langue – un anglais qui emprunte au gaélique ses tournures et ses métaphores vives – forgée au contact des paysans et des pêcheurs d’Aran qui, nous dit Françoise Morvan dans la préface à sa belle traduction, « jouent de cette habitude de dire beaucoup en peu de mots pour faire un usage lyrique, emporté, presque vertigineux de la parole. Les personnages de Synge, note-t-elle encore, vivent dans un air immense, l’air sans fin ni fond des îles et ils lui résistent par la parole qui les porte parfois dans un élan de jubilation, avant des les restituer à l’angoisse du vide. Traduire Synge, c’est d’abord traduire des scansions, des modulations d’air ».

Ce travail de poésie, si justement ici désigné, n’est-ce pas aussi, avec les moyens de la musique, celui que Vaughan Williams aura admirablement réalisé ?

Christian Gangneron

 

 

 

Dates

Ressources

Quelques extraits de la revue de presse

  • Fiche presse Riders to the sea
  • LA CROIX 19 janvier 2009 (Bruno Serrou) : "La mise en scène intimiste de Christian Gangneron magnifie la profonde humanité et la foi douloureuse de ces êtres qui savent mieux que quiconque combien vie et mort sont agrégées" "D'une main ferme et sensible, Jean-Luc Tingaud a dirigé l'Orchestre du Grand Théâtre de Reims qui se sort avec panache de cette oeuvre où les instruments sont traités en soliste"
  • LE MONDE 23 mars 2006 (Pierre Gervasoni) : "Le quatuor de solistes est dominé par la sombre intériorité de Jacqueline Mayeur (...) et par l'intense humanité de Rayanne Dupuis (...)"
  • LE FIGARO février 2006 (Jean-Louis Validire) : "Riders to the sea, écrit en 1937, conte l'histoire d'une façon très personnelle, l'histoire de marins que la mer happe les uns après les autres, à la grande douleur des femmes restées à terre. (...) Ce drame est mis en scène avec un dépouillement qui le rend encore plus poignant, par Christian Gangneron."
  • OPÉRA MAG avril 2006 (Franck Langlois) : « Créé il y a peu au Grand Théâtre de Reims, cette production est marquante. Les deux immatériels héros de cette histoire (le destin et la mer qu’il instrumentalise) y sont palpables, assujetissant les quatre protagonistes de l’action. En osmose avec la partition, Christian Gangneron créé une temporalité ralentie, voire arrêtée que le décor renforce. (…) Admirablement dépouillée, la direction d’acteurs est un écrin pour le geste vocal. » « A la tête de deux formations – le Chœur Thibaut de Champagne et l’Orchestre du Grand Théâtre de Reims – particulièrement inspirées, Jean-Luc Tingaud se fait le minutieux serviteur de cette production conçue pour voyager. »
  • LES ECHOS février 2006 (Michel Parouty) « Des œuvres envoûtantes dont on ne sort pas indemne. »