Concertclassic
Par Alain Cochard
Presse | Compte rendu | 10e Midsummer Festival 2019 du Château d’Hardelot
14 & 15 juin 2019
Fastueuse ouverture
[…] Concoctée par Sébastien Mahieuxe, directeur artistique, l’édition 2019 (qui marque la 10e édition du Festival et le 10e anniversaire de l’ouverture au public du Château d’Hardelot après d’importants travaux menés par le département du Pas-de-Calais) a de quoi allécher le mélomane. L’avantage est revenu l’Angleterre lors d’une journée inaugurale occupée par Purcell et Haendel. Les uns on été heureux de retrouver, les autres – c’était notre cas – de découvrir un Didon et Enée déjà applaudi à l’Opéra de Massy en février 2018, puis repris en divers lieux (dont le théâtre de l’Athénée en décembre dernier). Benoît Bénichou (mise en scène) et Catherine Kollen (dramaturgie et direction artistique) signent cette production de l’Arcal (compagnie dirigée par C. Kollen) qui trouve à Hardelot un lieu on ne peut plus propice à l’épanouissement de sa prégnante atmosphère.
Avec une reine de Carthage vêtue et coiffée comme Elisabeth 1ère, une scénographie dépouillée mais superbe – bravo à Mathieu Lorry-Dupuis ! – qui délimite fréquemment l’espace par des pans de tulle, ce Didon et Enée oscille entre songe et réalité. La reconstitution du prologue (réalisée par Johannes Pramsohler et Frédéric Rivoal avec des musiques tirées de The Double Dealer, Timon of Athens et Fairy Queen) permet d’imaginer que Belinda, six ans après la mort de Didon, raconte à Enée le sort tragique de cette dernière. L’Arcal a bien des réussites à son actif, mais ce Purcell s’inscrit sans discussion parmi les plus abouties, tant pour son envoûtante mise en scène que la qualité des interprètes.
Les rôles se succèdent et ne se ressemblent pas pour Chantal Santon-Jeffery (photo). Quelques jours après avec été un amoureux Alvarès dans Maître Peronilla d’Offenbach au Théâtre des Champs-Elysées, la soprano ré-endosse le rôle de Didon (qu’elle tient depuis l’origine dans la production de l’Arcal), avec un chant épanoui (et un anglais remarquable !). Noble, émouvante, sans aucune surcharge expressive, elle creuse son personnage d’une une palette expressive nuancée, l’acoustique de la salle se faisant complice des plus subtils raffinements. Pas moins convaincant, Yoann Dubruque campe un Enée très expressif, à la fois viril et complexe. De sa voix ambrée, Daphné Touchais offre une admirable Belinda et l’on remarque aussi la Seconde Dame d’Anna Wall. Quand au chœur, un ensemble ad hoc (2), auquel un rôle central est réservé, il se révèle aussi préparé musicalement que parfaitement intégré à un spectacle finement réglé (superbe scène de la grotte).
Vécue par chacun des protagonistes, cette production est aussi portée par des instrumentistes de premier ordre. Du violon le plus souvent, l’excellent Johannes Pramsohler mène avec ferveur et poésie son magnifique Ensemble Diderot (une douzaine de musiciens ici) et le résultat témoigne d’un fini instrumental et d’une intelligence musicale peu ordinaires.
Le public quitte le théâtre sur un nuage et se dirige alors vers les sièges installés sur la pelouse devant le château. […]