Opéra Magazine N°124 – janvier 2017
Rencontre avec Julien Chauvin
Propos recueillis par Michel Parouty
Extrait à propos de Chimène ou Le Cid
Avec son Concert de la Loge, fondé en 2015, le violoniste et chef d’orchestre français ressuscite Chimène ou Le Cid, à Saint-Quentin-en-Yvelines, le 13 janvier, puis Phèdre de Lemoyne, le 27 avril, deux partitions oubliées du règne de Louis XVI.
Cette saison, vous avez à l’affiche deux œuvres lyriques. Après Armida de Haydn, en 2015, Chimène ou Le Cid de Sacchini, à Saint-Quentin-en-Yvelines, en janvier, puis à Massy et Herblay, en mars, est votre deuxième production avec l’Arcal…
C’est également la première fois que nous collaborons avec le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), qui coproduit à l’occasion du 30e anniversaire de sa naissance. Nous avons longuement cherché, avant de tomber d’accord sur cet opéra, créé en 1783, à Fontainebleau ; la tragi-comédie du Cid y est respectée, mais l’intrigue commence à la fin du deuxième acte de l’œuvre de Corneille. C’est l’une des dernières «tragédies lyriques» du XVIIIe siècle. Pour choisir les chanteurs, j’ai assisté à toutes les auditions, avec Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV, et Catherine Kollen, directrice de l’Arcal. La mise en scène a été confiée à Sandrine Anglade, choix intéressant dans la mesure où, il y a deux ans, elle a mis en scène la pièce de théâtre ; elle a prévu de placer les chanteurs et l’orchestre sur le plateau, comme si Chimène, le seul personnage féminin de l’opéra, faisait face à un monde d’hommes – elle a pensé au procès de la Reine. C’est d’autant plus pertinent que la figure de Marie-Antoinette est essentielle dans la vie musicale de l’époque. C’est elle qui a fait venir à Paris Gluck et Sacchini, qui a installé aux Tuileries Le Concert de la Loge Olympique…
Comment décririez-vous la musique de Sacchini ?
C’est une musique à laquelle on ne s’attend pas. Sacchini est vraiment le créateur de son propre langage. Il écrit Chimène deux ans après son arrivée à Paris, reprenant l’un de ses opéras italiens, Il gran Cid, joué dix années auparavant, en le modifiant complètement. C’est une partition imprévisible, qui n’a plus rien à voir avec la structure de l’opéra italien et les arie da capo, chacun exploitant un sentiment. Ici, les récitatifs, sont tous accompagnés par l’orchestre, les airs sont brefs et s’enchaînent les uns aux autres, le chœurs sont importants, les danses aussi. L’auditeur est comme emporté par un tourbillon, l’action est rapide.