[TALESTRI | LE FIGARO | Compositrices oubliées, lame de fond ou effet de mode ?]

2 septembre 2021
Le Figaro
Par Thierry Hillériteau

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Compositrices oubliées, lame de fond ou effet de mode ?

[Extraits]

Maria Antonia Walpurgis de Bavière, Charlotte Sohy, Mademoiselle Duval, Jeanne Barbillon… Ces femmes étouffées par l’histoire sortent de l’ombre à la faveur de l’actualité musicale. Enquête.

En cette rentrée, impossible de passer au travers. Les compositrices s’invitent à titre posthume à l’agenda des salles, des artistes ou des compagnies. […]

La compagnie lyrique Arcal donnera la première française, à la fin du mois, de Talestri, Reine des Amazones : l’un des rares opéras du XVIIIe siècle composés par une femme. Et quelle femme : Maria Antonia Walpurgis, princesse de Bavière.

Sortir les compositrices du communautarisme ou de la ghettoïsation ? C’est tout l’enjeu des artistes ou des programmateurs qui se lancent dans la redécouverte de leur musique. Car «celle-ci n’est pas née avec #MeToo. Dès le XIXe siècle, on trouve des articles musicologiques fouillés sur le sujet. Malheureusement, ces redécouvertes n’ont pas trouvé l’écho qu’elles auraient dû car elles n’étaient pas en phase avec le mouvement de la société, qui continuait d’écrire l’histoire de la musique au masculin.», poursuit Raphaëlle Legrand […]

Il faut dire que les compositrices du passé représentent un terreau de premier choix en matière de redécouverte, à une époque où artistes et programmateurs sont avides d’inédit.

«[Les compositrices] étaient souvent tenues, pour des raisons sociologiques, à l’écart des institutions. Or ces dernières ont été par la suite les gardiennes de la mémoire musicologique» avance Catherine Kollen, directrice de l’Arcal. «On distingue trois cas de figure, explique le chef Franck-Emmanuel Comte, qui présidera à la recréation de Talestri. Des femmes d’Église, exemple courant en Italie aux XVIIe et XVIIIe siècles, si l’on excepte naturellement Barbara Strozzi : la plus célèbre et peut-être la plus influente compositrice de l’époque mais qui était tout sauf une nonne ! Des “filles de“ ou “sœurs de”, qui faisaient carrière mais restaient souvent cantonnées aux salons. Et des nobles, qui avaient reçu une solide éducation musicale, mais à qui la décence interdisait de faire une carrière publique ou de composer des sujets sérieux.»

Le cas de Maria Antonia Walpurgis fait exception : «Une femme de pouvoir extraordinaire, qui a eu mille vies, peintre, librettiste, harpiste, chanteuse, et régente. Elle a vraiment exercée, ce qui donne à son propos tant dramatique que musical un poids considérable», renchérit Catherine Kollen.

[Encart Maria Antonia Walpurgis]

Maria Antonia Walpurgis (1724-1780)

Princesse de Bavière, régente de Saxe entre 1763 et 1768, elle fut élève, à Dresde, de Porpora et Hasse, dont sa musique d’opéra porte la trace. Aussi Connue comme librettiste, elle a composé deux opéras : Talestri, Reine des Amazones (recréé à la fin du mois par l’Arcal), et le drame pastoral Le Triomphe de la fidélité.