Le Figaro
Par Thierry Hillériteau
3 octobre 2021
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Point de vue original sur les Amazones, l’opus oublié de Marie-Antoinette de Bavière renaît avec brio.
La metteuse en scène Bérénice Collet l’avoue: en s’attaquant à Talestri, reine des Amazones, elle n’a pas seulement voulu rendre hommage à ces figures mythologiques, emblèmes avant l’heure du féminisme. Elle a aussi voulu saluer le courage de «toutes les femmes fortes de notre monde, qui aujourd’hui encore prennent les armes pour se défendre et défendre leur peuple». De fait, le spectacle qui voyait ce 28 septembre au Perreux-sur-Marne, à l’initiative de l’Arcal (compagnie nationale de théâtre lyrique et musical), la résurrection de cet opéra oublié de Maria Antonia Walpurgis – Marie-Antoinette de Bavière -, évite l’écueil du plaidoyer post-MeToo.
En s’ouvrant sur des vers de la poétesse afghane Meena Keshwar Kamal, en jouant avec beaucoup de poésie sur une scénographie mi-réaliste (un camp militaire dans une bâtisse en ruines de Syrie ou d’Afghanistan) et mi-abstraite (un jardin peuplé d’herbes hautes et de feux follets), il donne d’emblée la couleur. Celle d’un discours humaniste avant tout. Se concentrant davantage sur le message philosophique des Lumières derrière la figure de Marie-Antoinette de Bavière, régente éclairée, que le militantisme obscurantiste de certaines féministes d’aujourd’hui. Car la morale de ce conte initiatique du XVIIIe siècle est une ode à l’indépendance comme à la tolérance.
Loin de la vision terrifiante qu’en donnaient les hommes compositeurs du baroque, Marie-Antoinette de Bavière prêt aus Amazones des traits profondément humains. Ils s’incarnet magistralement chez Talestri, jeune reine dont l’amour pour Oronte va faire basculer le destin de sa communauté. L’obligeant à chercher dans la paix une autre voie vers sa liberté que celle qu’elle s’était choisie : la détestation des hommes et leur destruction. Si le livret ne rille pas par sa complexité, le message n’en est que plus direct. Qui plus est porté par une jeune distribution.
Prêtresse vindicative
Toute en fragilité, la soprano Anara Khassenova prête à Talestri, reine malgré elle, une voix qui ne manque pas de magnétisme. En particulier dans l’envoûtant «Pallid’ombra, che d’intorno» au milieu du troisième acte : aria halluciné et sommet de l’opéra qui à lui seul justifiait son exhumation. Prêtresse vindicative et intransigeante, Emilie Rose Bry (alias Tomiri) impressionne par sa vaillance dans l’air de fureur «Io di quel sangue o sete». Mais c’est sans conteste Anaïs Yvoz qui emporte tous les suffrages par la qualité de son émission et le velouté de son timbre en Antiope : sœur compatissante de Talestri, amoureuse du meilleur ami d’Oronte (lumineux Iannis Gaussin). Aux manettes, Franck-Emmanuel Comte et son Concert de l’Hostel Dieu insufflent l’énergie nécessaire à une partition qui ne manque pas de dramatisme, lorgnant tour à tour du côté de Hasse ou Mozart.