20 septembre 2021
Première Loge
Par Stéphane Lelièvre
Lire l’interview sur le site de Première Loge
Talestri, Reine des Amazones, opéra méconnu de Maria-Antonia Walpurgis – Rencontre avec la metteuse en scène Bérénice Collet
L’ARCAL, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical dirigée par Catherine Kollen, exhume une œuvre oubliée : Talestri, Reine des Amazones, opéra de Maria-Antonia Walpurgis créé en 1760 au Nymphenburger Schloß, près de Munich (et repris à Dresde en 1763.) Elle sera représentée quatre fois : les 28 et 29 septembre prochains au Centre des bords de Marne (au Perreux-sur-Marne ), puis au Théâtre Roger Barat à Herblay les 14 et 15 avril.
Pour nous parler de cette redécouverte, nous avons rencontré la metteuse en scène Bérénice Collet qui, entre les répétitions de cet opéra, un travail en cours sur la Médéede La Péruse (« Un texte fulgurant ! », dixit la metteuse en scène elle-même) et l’écriture de roman, a trouvé un moment pour accorder un entretien à Première Loge…
Comment s’est faite la redécouverte de cette Talestri, Reine des Amazones ?
Catherine Kollen cherchait une compositrice du XVIIIe siècle pour sa nouvelle création, avec comme défi de trouver bien sûr une partition intéressante, mais aussi un livret avec une vraie teneur dramatique et qui ne se soit pas une simple pastorale, comme on en écrivait beaucoup à l’époque. Or le livret de Talestri, écrit par la compositrice elle-même, est vraiment étonnant. Il n’a pas grand-chose à voir avec les livrets très formatés des opere serie traditionnels.
C’est-à-dire ?
La caractérisation des personnages notamment est très originale, et cette originalité provient sans doute du point de vue féminin de la librettiste : pas de femmes jalouses, pas de tentatrice détournant le noble héros de sa quête, pas d’agonie de la soprano pour clôturer l’œuvre, bref rien de ce qui constitue traditionnellement la base des livrets d’opéras. Ce sont cette fois-ci les femmes qui sont tiraillées entre le bien de leur communauté et leurs aspirations personnelles. Talestri est une reine éclairée : quand l’opéra commence, nous sommes dans un contexte de guerre avec le peuple voisin (les Scythes). Les Amazones ont vécu une oppression très dure qui les a poussées à devenir ces femmes fortes, résistantes, et des guerrières redoutables. Mais Talestri, en devenant reine, refuse de prêter le serment qu’on attend d’elle, à savoir jurer la destruction systématique de tous les hommes : il se trouve qu’elle est amoureuse d’un jeune homme, Oronte, qu’elle a côtoyé dans son propre camp sans savoir qu’il s’agissait d’un homme (Oronte s’étant travesti en femme pour pouvoir l’approcher)… Finalement, le livret raconte, au-delà d’une opposition très violente entre femmes et hommes, l’histoire d’une réconciliation.
Les personnages masculins, Oronte et Learco, prêts à mourir l’un pour l’autre, sont magnifiques également, et d’une grande originalité.
Maria-Antonia Walpurgis, femme du prince-électeur de Saxe de Frédéric IV, avait été régente pendant la minorité de son fils : sans doute le livret s’est-il nourri de sa propre expérience et de sa confrontation à un monde essentiellement masculin ?
Cela semble plus que probable ! Maria-Antonia Walpurgis est une femme étonnante : elle a non seulement eu de grandes responsabilités politiques, mais elle était aussi chanteuse (c’est elle qui a créé le rôle de Talestri), claveciniste, elle fut l’élève de Hasse… C’était une femme très cultivée et ayant bénéficié d’une éducation artistique très complète.