Un bien jolie folie des grandeurs

Un opéra baroque inconnu, mêlant la rigueur de l’harmonie allemande à la commedia dell’arte, ça existe ? Et oui, et l’Ensemble Diderot, emmené par son chef le violoniste Johannes Pramsohler, nous le prouve.

Claire de Castellane – Classique mais pas has been

Au carrefour des 17e et 18e siècles, cet opéra débordant d’énergie et de théâtralité joint une verve vocale «à l’italienne» à une orchestration «à l’allemande», extraordinaire de richesse et de couleurs avec des airs sublimes à instrument concertant. 

© Julien Benhamou

Une œuvre éblouissante, par Catherine Kollen

Au carrefour des 17e et 18e siècles, cet opéra débordant d’énergie et de théâtralité joint une verve vocale «à l’italienne» à une orchestration «à l’allemande», extraordinaire de richesse et de couleurs avec des airs sublimes à instrument concertant. 

Avec une galerie de personnages hauts en couleurs, guerriers, philosophes, traitres, amoureux ou serviteurs impertinents et truculents, l’œuvre mêle comme   l’opéra vénitien le populaire au savant, où l’humour vient contrebalancer l’héroïsme et interroge sur le sens de l’activité humaine. Les duos, quatuors, airs, brillants ou parodiques, guerriers ou tendres, regorgent d’inventivité loin des opéras seria à la forme figée d’air unique à da capo.

Cette liberté créative n’est pas sans rappeler la République Sérénissime de Venise, ville indépendante de marchands comme Hambourg où le premier opéra «du marché aux oies» construit en 1678, est destiné au public payant, sur le modèle des opéras vénitiens créés en 1637, et non réservé à la Cour, laissant plus d’espace à la critique sociale.

Reinhard Keiser jouissait en ce début du 18e siècle de la réputation du plus grand compositeur d’opéra au monde : présenter ce joyau au public français permet de redécouvrir ce compositeur dont la philosophie résonne de façon étonnamment proche de notre sensibilité d’aujourd’hui.

Argument

Riche comme Crésus… Toucher le Pactole… 

Ces expressions sont passées dans le langage populaire, mais le personnage historique de Crésus est bien réel, roi de Lydie (en Turquie aujourd’hui), célèbre pour son immense fortune amassée grâce au fleuve Pactole riche en or.

Devant sa vantardise, le philosophe grec Solon lui souffle que la gloire et la fortune ne suffisent pas à rendre un homme heureux et peuvent vaciller en un instant.

Mais il faudra de dures épreuves pour que le roi comprenne son erreur. Pendant la guerre avec Cyrus puis la défaite de Crésus et sa captivité, son fils Atys, muet de naissance, et considéré comme incapable de régner, va pouvoir faire éclore ses talents : il recouvrera la parole, déjouera la traîtrise d’un des princes, conseillera le gouverneur pour les négociations avec Cyrus et s’attirera l’amour fidèle d’une princesse réfugiée.

Au moment d’allumer le bucher de Crésus condamné, Cyrus sera frappé par les paroles de Solon et graciera son prisonnier.

Distribution

Mise en scène Benoît Bénichou
Direction musicale Johannes Pramsohler
Ensemble Diderot
Mouvement Anne Lopez
Scénographie Amélie Kiritzé-Topor
Costumes Bruno Fatalot
Lumières Mathieu Cabanes
Coiffure / maquillage Véronique Soulier Nguyen
Chef assistant Benoît Babel
Chef de chant Philippe Grisvard
Edition originale de la partition pour la production Brian Clark, d’après le manuscrit de la Bibliothèque Jagellonne de Cracovie (Pologne)

Avec les chanteu·r·se·s
Ramiro Maturana Crésus
Andriy Gnatiuk Cyrus
Inès Berlet Atys
Yun Jung Choi Elmira
Wolfgang Resch Orsanes
Jorge Navarro Colorado Eliates
Marion Grange Clerida
Benoît Rameau Solon / Halimacus
Charlie Guillemin Elcius

Ensemble Diderot – direction Johannes Pramsohler
22 musiciens – Roldan Bernabé-Carrion (violon solo), Johannes Pramsohler, Izleh Henry, Giorgia Simbula (violons 1), Mario Konaka, Simone Pirri, Naomi Dumas, Louise Ayrton (violons 2), Alexandre Baldo, Emily Deans, Yuna Lee (altos), Gulrim Choï (violoncelle continuo), Cécile Vérolles (violoncelle), François Leyrit (contrebasse), Georges Barthel (flûte traversière), Jon Olaberria, Katharina Andres, (hautbois / flûtes à bec / chalumeaux), Diane Mugot (basson), Alejandro Sandler, Mauricio Ahumada, Antoine Azuelos (trompettes), Laurent Sauron ou Morgan Laplace Mermoud (timbales), Philippe Grisvard ou Benoît Babel (clavecin)

Equipe technique Arcal
Patrick Naillet (régie générale), Eric Lacourt (régie lumière-vidéo / équipe du Théâtre de l’Athénée), Tristan Mengin (régie plateau), Florence Beillacou (régie orchestre & surtitrage), Elisa Provin (maquillage), Virginie Lacaille (coiffage), Eva Cissé (stagiaire coiffure / maquillage)

Production

Production Arcal, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical

Coproduction Athénée Théâtre Louis-Jouvet (Paris), Centre des Bords de Marne (Le Perreux-sur-Marne) | Théâtre du Minotaure – salle Berlioz (Béziers)

Partenaires artistiques Ensemble Diderot

Soutien Spedidam – LA SPEDIDAM est une société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrée

Soutiens institutionnels Arcal Drac Ile-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication, Région Île-de-France, Ville de Paris

Soutiens annuels Arcal Départements de l’Essonne, du Val d’Oise, des Yvelines

Remerciements In Gold we trust Paris ®

La presse en parle

France MusiqueCrésus au Théâtre de l’Athénée – Guillaume Tion a été puissamment séduit
L’interprétation de ce Crésus est formidable. L’Ensemble Diderot brille dans la fosse, doux, tendre, un vrai plaisir, et la distribution décoiffe de subtilité. Guillaume Tion a cru revivre.

Opéra MagazineLa fête a été au rendez-vous
On suit avec joie ce Marivaux mal dégrossi de Rabelais et qui se joue sur un cube d’or, ou à l’avant-scène d’un rideau de même esprit […] En fosse, le son est celui d’un baroque de haute lisse ; contraste des timbres, acuité des instruments, un élan sans brusquerie qui maintient la tension du chant et sait favoriser son envol […] Malgré une jauge de salle divisée par deux, l’enthousiasme remplit les vides, offrant à cette épatante production de l’Arcal un triomphe mérité.
Vincent Borel

Le Monde L’Ensemble Diderot soutient avec verve cette partition
Dès l’ouverture, le ton est donné : le théâtre est à l’œuvre, qui alterne scènes de commedia dell’arte et demi-airs d’opera seria, style savant et inspiration populaire. De l’archet à la baguette, le violoniste Johannes Pramsohler dirige une vingtaine de musiciens aguerris, dont la prestance sonore et dynamique fait mouche […]
Marie-Aude Roux

TéléramaEntre farce, romance et tragédie
L’Arcal a pour excellente habitude de monter des projets ambitieux avec des moyens modestes […] Elle s’attaque ici à une œuvre qui mérite d’être redécouverte […] pour sa musique sous influence italienne, effervescente et colorée, prodigue en airs spectaculaires et variés.

La Croix • La fougue de Johannes Pramsohler
Dès les premières notes, emportées par la fougue et la précision de Johannes Pramsohler, qui dirige du violon les instrumentistes « au taquet » de son Ensemble Diderot, on se réjouit de l’aventure. […] la prestation orchestrale restera de bout en bout convaincante, brillante.

Concertonet • Le plateau vocal réuni pour l’occasion frise la perfection
Bénichou ne se contente pas de la seule folie visuelle et cherche à multiplier les interactions dans les airs, avec un équilibre juste et efficace pour relancer l’action. Un spectacle très réussi, aux outrances assumées, qui ne laissera personne indifférent.

Concertclassic • Crésus de Keiser à l’Athénée – Un régal !
[…] il s’agit du premier opéra monté à Paris depuis le début de la crise sanitaire. Et c’est une franche réussite !
Johannes Pramsohler […] fait honneur à la partition, sachant trouver l’équilibre parfait entre l’élan de la phrase et l’approfondissement des détails d’une orchestration particulièrement riche et inventive – le décor, l’action sont aussi dans la fosse ! Et quelle attention manifeste-t-il continûment envers des chanteurs qui, soudés par une belle énergie collective, se montrent toujours à la hauteur de l’enjeu, nous dévoilant une galerie de personnages fermement dessinés.

Classique mais pas has beenCrésus : une bien jolie folie des grandeurs à l’Athénée
Un opéra baroque inconnu, mêlant la rigueur de l’harmonie allemande à la commedia dell’arte, ça existe ? Et oui, et l’Ensemble Diderot, emmené par son chef le violoniste Johannes Pramsohler, nous le prouve. […]
Côté mise en scène […] quelques bizarreries savoureuses : un lapin masqué, un effeuillage piteux du traître Orsanes ou encore une jolie parade amoureuse entre un prince muet et sa princesse. Mais aussi des ponctuations vidéo fort à propos, un ingénieux cube central, façon lingot d’or, de beaux mouvements chorégraphiques et des costumes très réussis. […] les musiciens et les chanteurs sont en confiance, généreux, libérés et à même de faire étinceler de mille feux cette belle œuvre.

Ôlyrix • L’Athénée exhume un pactole lyrique avec l’opéra baroque Crésus
Une fois installé dans les règles de l’art, la fascination opère pour ne plus s’éteindre : le trésor musical de cette partition charme de bout en bout le public qui applaudit les arias comme autant de pépites. […]
Toute la mise en scène de Benoît Bénichou file cette métaphore duelle – l’amour et la guerre – avec cohérence, multipliant les ors sur un sol jonché de poussière noire. […]la soirée est acclamée par un triomphe du public.

BachtrackAmour, gloire et beauté à la cour du Keiser : Crésus à l’Athénée
On est à court d’adjectifs face à l’excellence : l’Ensemble Diderot prouve une fois de plus sa prééminence sur la scène baroque. Sonorité des cordes superbe, vents parfaits et équilibre des pupitres sont le résultat d’une direction sobre et efficace qui va à l’essentiel.

La Terrasse Crésus de Reinhard Keiser, la nouvelle production de l’Arcal
Fidèle à sa ligne artistique sortant des sentiers battus du répertoire lyrique, le Théâtre de l’Athénée ouvre sa saison avec Crésus de Reinhard Keiser, une redécouverte haute en couleurs, tant sur scène que dans la fosse. Un début de tournée prometteur pour cette nouvelle production de l’Arcal.
[…]ce Crésus rivalise d’efficacité avec les plus dispendieuses machineries lyriques.


Musicologie.orgRiche comme Crésus : l’opéra baroque allemand selon Reinhard Keiser
Chaque situation offre un renouvellement constant des formes et de l’invention mélodique, soutenue par une orchestration raffinée où les bois tiennent une place de choix et que font briller les pupitres solos de l’Ensemble Diderot, conduit avec beaucoup de sensibilité et un sens aigu des contrastes par son chef Johannes Pramsohler.
La mise en scène de Benoit Bénichou transpose cette histoire antique dans un monde résolument contemporain dont les personnages semblent tout droit sortis d’une série américaine, caricaturant quelque peu les deux méchants, le traitre Orsanes et le futile Eliates, et jouant sur une certaine forme de crudité pour caractériser les personnages, quelque part entre Peter Sellars et Olivier Py[…]

Note de mise en scène

par Benoît Bénichou

« L’ennemi est dominé
par les loisirs et la luxure … »

(Cyrus – Acte 1)

Cette réplique établit l’esprit de l’œuvre et la direction dans laquelle je souhaite travailler. 

Croesus et Cyrus se battent pour la même chose , l’or, l’argent… seul compte le mot « fortune ». Posséder, posséder encore … 
Se complaire dans l’argent sans se soucier du reste. 
Il n’est jamais question de bonheur d’un peuple, il n’est jamais question de se battre contre l’ennemi pour assurer à son peuple des jours meilleurs mais simplement posséder la fortune de l’autre … 

Il y a dans cette pièce un rapport à la superficialité. Elcius ne pense qu’à vendre des maquillages pour «rajeunir les vieilles» et du tabac «pour être à la mode»… 
Elmira, Clerida, Atis, Orsanes, Eliates sont obnubilés par leurs quêtes amoureuses alors que le pays est en guerre … 
Douce alternative,… 

On peut voir comment ce texte du 18e siècle résonne fortement aujourd’hui, comment la course au pouvoir et les intérêts financiers sont les préoccupations principales dans cette société superficielle. Un huis clos révélateur, un miroir tendu vers nous-mêmes. 

Y aurait-il un espoir dans cette société pervertie et égoïste ? L’amour d’Atys et Elmira ? Qu’en dire lorsque cette dernière associe son amour au Prince Atys avec l’ambition de devenir Reine un jour… Est ce vraiment de l’amour ? Est-ce seulement intéressé … ? 

Le conflit est aussi un élément omniprésent dans cette œuvre… Conflit guerrier, conflit amoureux, conflit intérieur, conflit avec l’autre ou soi même … 
Chacun découvre son vrai visage dès lors qu’il est en conflit. 

La lumière et les ombres

Personnage à part entière, la lumière joue avec les contrastes, les ombres, modifie l’espace, l’annule, le fait apparaitre, le dynamise, le découpe.

Une scénographie de Terre et d’Or …

La terre est la substance universelle, le chaos primordial. Elle donne et reprend la vie. Elle est symbole de régénération mais également destructrice en réclamant les morts dont elle se nourrit. 

La surface plane de la terre représente également l’homme en tant qu’être conscient ; le monde souterrain, avec ses démons et ses monstres ou divinités malveillantes. La terre devient le symbole du conscient et de sa situation conflictuelle, symbole du désir terrestre et de ses possibilités de sublimation et de pervertissement. Elle est l’arène des conflits de la conscience dans l’être humain. 

L’or est le métal parfait…  Il a l’éclat de la lumière, il est solaire et royal. L’Or/Lumière est le symbole de la connaissance. Ni ne se rouille, ni ne se souille, il est le socle du savoir, le trône de la sagesse. Mais si vous confondez le socle et la sagesse, il tombe sur vous et vous écrase. Il procure le bonheur, si il est bien utilisé, sinon il précipite la perte de son propriétaire … L’or est un trésor ambivalent. Si l’Or métal est un symbole solaire, l’Or monnaie est un symbole de pervertissement et d’exaltation impure des désirs, une matérialisation du spirituel et de l’esthétique, une dégradation de l’immortel en mortel. 

Une scénographie de Terre et d’Or … Une cube d’or émergeant de la terre. Ce métal parfait cherche à éclairer nos ténèbres.

© Julien Benhamou
© Julien Benhamou

Dates

Plus de représentation à venir pour cette saison.

Historique des représentations

Mar. 22 juin 2021
10:00
14:30

Théâtre Roger Barat / Herblay

Représentation
Récitals «Crésus» mis en espace en lieu et place des 2 représentations de l’opéra en version scénique annulées en raison des conditions sanitaires.